Jeudi 15 Septembre 2011 / Par Virginie Gomez
Long est le chemin
qui mène à la sagesse…
qui mène à la sagesse…
Commencer
la méditation, l’idée est séduisante, mais vous ne savez pas toujours comment
vous y prendre... Voici le témoignage et les conseils sans prétention d’une
apprentie méditante.
©
Laurent Vago
«
Zut, il est déjà 21 heures 30, je ne vais pas avoir le temps de cultiver le
bonheur ! » Voilà en substance le dilemme de l’apprenti méditant contemporain.
Dans un monde où le temps s’est accéléré, ou les plannings démentiels broient
les familles, où le bruit, l’omniprésence de la télévision et le manque
d’espace en milieu urbain détruisent le silence et la possibilité de se
retrouver seul avec soi-même, méditer demande une grande force de
volonté.
Ceux
qui ont du temps libre, un espace de silence et d’intimité, une possibilité de
contact avec la nature, ont « une longueur d’avance » même s’il ne s’agit pas
là de compétition. Toutefois, prendre prétexte des conditions extérieures pour
ne pas se lancer serait dommage. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin »
dit le moine zen Thich Nhat Hanh.
S’y retrouver dans
les méthodes
Voilà
à quoi pourrait ressembler notre monologue intérieur lorsque nourrie des
lectures de diverses traditions, nous sommes égarés dans nos méthodes.
Je
me concentre successivement sur chaque partie de mon corps, je me détends,
j’écoute les bruits extérieurs… C’est le moment de dire un petit mantra – om
mani padme hum om mani padme hum – mais au fait je ferais mieux d’ouvrir les
yeux non, les yeux mi-clos c’est ça – donc j’ouvre les yeux, ça serait mieux si
j’enlevais mes lunettes, oui voilà houlala ce que je suis myope, je ne suis pas
allée chez l’ophtalmo depuis longtemps et il faudrait aussi que j’y amène les
enfants, je n’ai pas signé le carnet de correspondance mince je dois aussi
faire un chèque pour payer les charges de l’appartement mais où est ce p… de
chéquier – non je vais fermer les yeux ça marchait mieux finalement – tiens si
je visualisais quelque chose mon corps qui se remplit de lumière par exemple –
ça fait combien de temps que je médite là ? Parce que je dois encore prendre ma
douche avant que tout le monde se réveille– Zut, vite se recentrer le mantra :
om mani padme hum om mani padme hum, non la respiration, c’est plus efficace,
une deux trois, et si je priais un peu pour finir ? Mince j’entends le bébé qui
se réveille. Par le pouvoir et la vérité de cette pratique, que tous les êtres
vivants connaissent le bonheur. Amen.
Il
existe de nombreuses méthodes, héritées de traditions allant de la kabbale au
soufisme en passant par le zen et le bouddhisme théravada. Selon Melissa
Blacker, instructeur au programme de réduction du stress de la Massachusetts
Medical School, ces méthodes se rattachent en fonction de leur objet soit à la
méditation de concentration, soit à la méditation de Pleine conscience
(Mindfulness).
Certaines
traditions présentent des formes mixtes. Avant de commencer, assurons-nous que
nous savons où nous allons. Voulons-nous augmenter nos capacités de
concentration, tant dans la vie quotidienne lorsque qu’un proche s’adresse à
nous, qu’au travail ? Voulons-nous réagir aux événements avec moins
d’emportement et de colère ? Voulons-nous nous dégager de l’angoisse diffuse
qui nous prend à la gorge, à l’estomac, ou au plexus solaire ? Quelle forme de
méditation nous attire le plus, laquelle nous convient le mieux ?
Persister,
persister, persister !
Je
me souviens d’une période au cours de laquelle j’avais intensément pratiqué la
méditation. Je me sentais relaxée et alerte, quand survint un différend entre
des collègues de travail. Tout le monde s’impliqua, je restais à l’écart, dans
une position d’observatrice détachée jusqu’à ce que conviée dans le débat, je
me révèle aussi intraitable que n’importe qui, voire plus ! Sans parler de la
colère et du stress générés par cette affaire !
Quelle
déception ce fut à l’époque ! Je mis longtemps avant de trouver des
explications satisfaisantes. D’un point de vue neurologique tout d’abord, deux
systèmes coexistent en nous, un système de mise en tension, de stress qui
appelle un type de réponse du type fuir ou combattre. Notre espèce a commencé à
le mobiliser pour échapper aux prédateurs, nous continuons avec peut-être moins
d’à-propos lorsqu’un type nous grille la politesse à la poste ou lorsque nous
avons des délais trop courts pour accomplir une tâche, etc… Le stress chronique
est nuisible à l’organisme. Il correspond à la suractivité du cortex préfrontal
droit, associée à toutes sortes d’émotions dites négatives, ou désagréables,
telles la peur ou l’anxiété : ces émotions ont tendance à nous faire voir tout
en noir, à nous rendre plus pessimistes, moins confiants, à nous faire prêter
attention aux détails au détriment de la vision d’ensemble.
L’autre
système est un système de régénération, de relâchement. Son activation
correspond à ce qu’on appelle les émotions positives ou agréables, comme la
joie et l’amour. Nous envisageons la vie avec plus de confiance, sommes
davantage enclins à une vision d’ensemble. Plus optimistes, nous nous sentons
plus heureux. Cet état d’esprit, favorisé par la méditation, nous permet de
nous calmer et de sortir de nos automatismes cérébraux. Il renforce notre
système immunitaire et assure une lutte plus efficace contre les maladies. Des
études sur une forme de méditation tibétaine visant à développer et à
approfondir la compassion ont montré qu’en cultivant ce type de sentiment, on
génère des émotions positives.
La
méditation est un moyen d’agir sur les circuits neuronaux et de diminuer
l’emprise de certains conditionnements sur nos comportements. Malgré tout, nous
continuerons à avoir les deux types d’émotions, parce que nous avons aussi en
nous les deux logiciels. Mais tracer de nouveaux chemins dans le cerveau pour
quitter nos bonnes vieilles autoroutes comportementales prend du temps. C’est
pourquoi, à l’instar de tout entraînement, la méditation requiert discipline et
régularité : Ce qui n’est pas la chose la plus facile…
Il
m’a été utile de repartir de ce point fondamental : avant de vouloir atteindre
les hautes sphères de la sagesse, il faut travailler sur les défauts et les
angoisses présents, pas à pas, comme on aborderait l’étude d’une langue
étrangère, en améliorant d’abord son vocabulaire et son accent.
Le meilleur moment,
c’est toujours maintenant
Deuxième
leçon, à approfondir avec des maîtres comme Thich Nhat Hanh : le meilleur
moment pour pratiquer est toujours… maintenant. Car selon de nombreuses
traditions, aucun autre moment n’existe ni n’existera jamais. Passé et futur
sont des constructions mentales. Seul le présent est « réalité ». «Le passé est
déjà révolu. Le futur n’est pas encore advenu. Ne nous perdons pas dans le
regret de ce qui s’est passé ou dans l’attente et l’inquiétude de ce qui va
venir. Revenons à nous-mêmes. Etablissons-nous dans l’instant présent » écrit
Thich Nhat Hanh
Autrement
dit, toutes les occasions de la vie sont des occasions de méditation. Inutile
de se dire, « nous sommes le 15 septembre, je m’y mets le premier octobre. »
Selon de nombreux textes la pratique formelle permet d’atteindre à de
véritables changements dans la vie quotidienne. En effet, la pratique de la
méditation ne vaut rien sans une attention de tous les instants ; cette
attention doit porter sur notre manière de parler, de traiter les autres, de consommer
nourriture, livres, télévision, films…. Chaque moment de la vie est aussi une
occasion de mieux identifier nos modes de fonctionnement, de renforcer notre
conscience.
Rester modeste
«
Et si j’étais un élu, et que cela allait se révéler pendant ma méditation… Et
si j’avais des pouvoirs… Et si j’allais voir les terres invisibles du Bouddha…»
Formulées noires sur blanc, ces interrogations paraissent ridicules. Mais allez
savoir ce que l’ego vous sussurera à l’oreille intérieure, pour peu qu’une expérience
spirituelle inattendue advienne.
Les
maîtres tibétains conseillent de ne pas s’attacher aux expériences : Si nous
faisons un voyage en train, disent certains d’entre eux, nous n’en descendons
pas quand un arbre nous plait ; nous le regardons, puis nous passons à autre
chose. Dans le train de la méditation, c’est pareil. Inutile de descendre en
route parce que nous avons vu des couleurs ou perçu certaines choses.
Finalement, j’ai eu la surprise de voir que ma
pratique méditative avait porté ses fruits, en pleine tourmente. Quand avoir de
la force était une question importante dont dépendait le bien-être de ma
famille, j’ai non seulement trouvé cette force, mais une certaine paix
intérieure ; à l’époque – je venais d’avoir un bébé - je méditais dès que
j’avais quelques minutes, n’importe quand dans la journée, au milieu de la
nuit. C’était une question d’équilibre. Je ne pensais pas. J’accomplissais les
taches l’une après l’autre, économisant ainsi de l’énergie que j’aurais
autrement gaspillé en vaines prises de tête. Cet état de grâce des temps
difficiles n’a pas duré. Mais il a laissé une trace indélébile. Avec le courage
que donne le calme intérieur, rien n’est insurmontable.
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